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L’interview « Prenez-en de la graine ! » de Michel, producteur en partenariat avec BioDemain

Par Sophie Le vendredi 9 juin 2023

cidre bio

On se dit tout ! Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Que faites-vous ?

Bonjour La Fourche ! Je suis Michel, arboriculteur et cidriculteur à Saint-Laurent-sur-Mer, près d’Omaha Beach. J’ai repris l’exploitation familiale il y a plus de 30 ans.

A l’époque, je sortais de mes études agricoles et je me destinais à reprendre l’activité laitière familiale. A la fin des années 80, il y a eu une grosse tempête qui a décimé les vergers de la région. J’ai voulu replanter des pommiers pour préserver notre patrimoine et diversifier mon activité. Je me suis rapidement pris de passion pour l’activité cidricole et me suis formé pendant des années pour apprendre à fabriquer mon propre cidre. Puis, j’ai arrêté l’élevage laitier pour me consacrer à 100% à mon verger. Aujourd’hui, je travaille en famille, avec mon frère et 4 employés.

Quels sont les secrets de fabrication de votre cidre ?

Je m’inspire beaucoup du modèle viticole. Je cultive une vingtaine d’hectares de pommiers de 30 variétés différentes. Cette diversité de pommes me permet de faire des assemblages précis et uniques pour mes cidres. Je pratique une fermentation naturelle en bouteille, sans ajout de gaz. J’utilise les levures présentes naturellement sur le fruit et certaines autres levures rigoureusement sélectionnées. Ce procédé est assez complexe à maîtriser, cela demande du temps et de la technique. Une autre particularité de mes cidres : ils sont millésimés. La fermentation naturelle évolue en bouteille, les cidres millésimés sont donc particulièrement intéressants !

cidre bio

Pourquoi avoir choisi de passer en bio ?

Lorsque j’ai commencé à cultiver, tout était bien différent. Je menais des pratiques culturales adaptées à la vente aux industriels. Quand j’ai commencé à transformer moi-même mon cidre, mes pratiques ont évolué. J’étais plus libre d’expérimenter. J’ai développé de nouvelles méthodes adaptées à mon modèle d’exploitation. Un exemple : tout le monde disait qu’il fallait désherber entre les pommiers pour aider le ramassage, mais je me suis rendu compte que mes pommes se conservaient mieux sur l’herbe et pouvaient continuer de maturer avant d’être pressées.

En 2017, ma fille m’a suggéré de passer au bio. Son argument : je respectais déjà quasiment le cahier des charges de l’AB dans mes vergers, avec très peu d’intrants. J’allais même au-delà dans la transformation (sans gazéification). Elle m’a convaincue en me disant que la certification me permettrait de diversifier ma distribution et de faire reconnaître mes bonnes pratiques auprès des consommateurs.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de votre conversion bio ?

J’ai commencé les démarches en 2017 en convertissant l’ensemble de mon verger. 22 hectares d’un coup, c’est un sacré challenge ! Mais mon activité cidricole est un tout, je ne pouvais pas me permettre de convertir petit à petit. 

La conversion, pour les cultures pérennes (les vergers par exemple), ça représente 3 années pendant lesquelles il faut cultiver selon le cahier des charges du bio, sans être labellisé. 

Techniquement, c’est assez compliqué. Il faut accepter d’avoir moins de production et des fruits parfois moins beaux. Il faut aussi réussir à gérer l’alternance entre les bonnes et les mauvaises années, le climat, les insectes ravageurs, les maladies… En arboriculture bio nous sommes beaucoup plus vulnérables, il n’y a pas de produits phytosanitaires pour rattraper : il faut être très bon techniquement. Cela demande d’observer et d’anticiper au maximum. Enfin, les contrôles liés au cahier des charges bio viennent s’ajouter aux contrôles habituels, administrativement aussi c’est difficile. Les arboriculteurs vivent tout cela sans avoir le précieux label et donc les prix adaptés à ces efforts.  Ce sont 3 années particulièrement éprouvantes.

cidre bio

Quels sont les bons côtés de la conversion ?

C’est très stimulant ! On innove sans cesse. 

Je teste de nouvelles choses depuis ma conversion en bio, j’essaie de développer au maximum la biodiversité. J’ai mis en place des haies pour favoriser les auxiliaires, des nichoirs à mésanges, des pollinisateurs. Je suis une formation en l’apiculture pour mettre des ruches dans mes vergers ! Je teste également l’agroforesterie : un de mes vergers est pâturé par des moutons, en partenariat avec des éleveurs voisins. Je rencontre de nouvelles personnes, notamment des jeunes qui font du maraîchage et qui m’apprennent beaucoup sur la biodiversité. Je ne m’ennuie pas !

Quel rôle joue BioDemain dans votre transition bio ?

Je salue vraiment la démarche de BioDemain. Ils interviennent pendant une période décisive pour les agriculteurs. Pour les productions pérennes, les 3 années de conversion peuvent être très compliquées. A cela s’ajoute la crise sanitaire ! Pour les producteurs comme moi, qui misent beaucoup sur la vente directe et le tourisme, l’année 2020 fut une année assez complexe. BioDemain m’a permis de diversifier et de valoriser mes débouchés pendant cette période délicate.

Ce partenariat m’a aussi ouvert les yeux sur les possibilités d’explorer de nouveaux circuits, au-delà des distributions traditionnelles. Notamment sur des possibilités d’export vers la Belgique, l’Allemagne etc…

cidre bio

À quoi rêvez-vous pour l’avenir ?

Notre millésime 2020 sera labellisé bio, c’est la fin d’une étape et le début de nombreux autres projets ! Je souhaiterais me lancer dans l’apiculture et implanter des ruches dans mes vergers. L’objectif serait de favoriser la biodiversité mais également de pouvoir proposer du miel local à mes clients. Je suis passionné par ma région, je souhaiterais vraiment pouvoir agrandir mon magasin pour mettre en avant les produits de mon terroir et expliquer à mes clients tous les accords possibles ! Avec mon fils, nous avons également décidé de nous diversifier, nous allons planter des poiriers et des cognassiers (coing). Nous allons également nous lancer dans la pomme de table.

Enfin, j’espère pouvoir me libérer davantage de temps pour moi, pour voyager notamment ! 

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