L'interview "Prenez-en de la graine !" de Volcelest
Par Sarah Le lundi 11 décembre 2023
On se dit tout ! Qui êtes vous ? D’où venez-vous ? Que faites-vous ?
Moi c’est Emmanuel, fondateur de Volcelest, brasserie basée dans la Vallée de Chevreuse, en Ile-de-France. J’ai commencé dans le milieu du vin, en Provence, en Val de Loire puis en Afrique du Sud et enfin aux Etats-Unis. C’est dans ce dernier endroit que j’ai découvert, il y a 10 ans, la culture des bières artisanales. Aux Etats-Unis il y a une vraie diversité de brasseries, de styles de bière et d’habitudes de consommation. La nuit, on faisait la vinification et on finissait la journée, on allait boire des bières sous les étoiles à l’arrière d’un pick-up. C’est cliché mais c’est là que j’ai eu le déclic. Après j’ai encore fait une vinification et j’ai décidé de lancer ma brasserie en 2008. D’abord en conventionnel, puis en 2009 en bio sans label et enfin en 2010 j’ai obtenu le label bio.
Depuis 4-5 ans, la demande en bières artisanales a explosé en réponse à une offre de bières qui avait été standardisée à l’extrême par l’industrie alimentaire. Aujourd’hui Volcelest emploie 6 personnes, produit 300 000 L de bière par an, en bouteille et en fûts de pression pour les bars. On a une gamme qui va de 10 à 12 bières, de 4,5° à 10,5°.
Où et comment sont fabriqués vos produits ?
Les brasseurs ne sont pas des producteurs mais des transformateurs. C’est déjà ce qui me plaisait quand je faisais de la vinification. Nous, on cherche la recette : il y a les recettes historiques qui ne bougent pas trop et les nouvelles recettes qu’on discute avec mon équipe. Pour les approvisionnements, il y a différents aspects :
- Pour les maltes qui sont les céréales, ils sont principalement français, ils viennent d’Île-de-France, de la Beauce par exemple. Mais en bio il y a de plus en plus de demande et donc parfois des ruptures. La conversion au bio est plus facile pour un transformateur comme nous que pour un agriculteur, les deux ne vont pas au même rythme.
- Pour les houblons : c’est ce qui donne l’arôme de la bière, la variété change énormément le goût et il est très spécifique aux régions où il est cultivé. C’est pour ça que le houblon ne vient pas d’un seul pays et que les brasseurs s’approvisionnent un peu partout. Nous on a des houblons qui viennent des Etats-Unis, de Nouvelle-Zélande mais aussi des houblons français ou tchèques.
Photo : TAHLER
Pourquoi avoir choisi le bio ?
Au début j’ai commencé en conventionnel puis c’est un peu bateau, mais un copain a eu des jumeaux et ça m’a fait réfléchir. C’est à ce moment là que j’ai décidé de passer au bio.
En plus on est dans la Vallée de Chevreuse, où il y a des gens qui sont attachés à l’environnement, à la nature, c’était aussi une demande de nos clients quand j’ai changé.
Parfois c’est un peu compliqué de trouver du houblon bio mais il y a de plus en plus de producteurs bio. Les plantations de houblon sont des cultures très pérennes. Il faut 3 ans d’entrée en production et ensuite ça reste productif pendant 10 ans !
Pourquoi devrait-on tous consommer bio ?
Je pense qu’il est important de dire que chacun est libre de faire ce qu’il veut. Moi ce qui me motive dans le bio c’est la notion d’empreinte carbone mais elle est difficile à établir. Il y a beaucoup de débat sur le verre consigné par exemple. Consigner, ça fait plus propre mais est-ce que ça l’est vraiment ? C’est facile d’utiliser ce sujet pour une question d’image mais, quand on creuse, on se rend compte que ce n’est pas aussi évident. La consigne de verre c’est lourd, il faut qu’on mette en place un système entre la collecte, le lavage et le réemploi qui tienne dans un périmètre de 200km sinon le bilan devient négatif. Bref c’est pas facile d’arbitrer là dessus !
En fait, pour moi, l’important dans le bio c’est de ne pas polluer les sols, les rivières, respecter la biodiversité et c’est en diminuant la chimie dans l’agriculture qu’on y arrivera.
Ok pour le bio, mais si on changeait du tout au tout : vous faites quoi pour limiter votre impact carbone ?
On essaie d’être attentifs sur l’énergie qu’on consomme dans la brasserie.
Sur la partie destinée aux bars, au début on travaillait sur des fûts jetables, comme beaucoup de petits brasseurs, puis là on vient de passer à des fûts en inox qui sont consignés et lavés. Le système est très rôdé pour les fûts, il serait encore trop compliqué à mettre en place pour les particuliers.
Nos étiquettes sont produites en France, ainsi que les cartons. Pour les bouteilles c’est plus compliqué. Il y a très peu de bouteilles françaises car leur production est peu rentable. Beaucoup de brasseurs ne savent pas où sont produites leurs bouteilles, en général elles viennent d’un peu partout.
Qu'est ce qui vous rend fier ?
Je suis aussi très fier de transmettre. Plusieurs jeunes sont passés chez moi et ils sont aujourd’hui brasseurs ou ont monté leur bar, ce sont devenus de vrais passionnés de bière !
C'est quoi votre combat ?
Réussir à faire vivre une entreprise artisanale, locale sans que ni moi, ni les gens qui y travaillent ne s’épuisent. Aujourd’hui l’artisanat c’est compliqué et beaucoup compensent par un travail acharné. Il faut que vous alliez voir les artisans, c’est pas évident pour eux aujourd’hui…
À quoi rêvez-vous pour l'avenir ?
J’aimerais qu’on revalorise l’artisanat, que les gens puissent faire le métier qu’ils aiment, ce n’est malheureusement pas si fréquent que ça.
Qu'est ce que vous aimeriez transmettre aux générations futures ?
A titre personnel, j’aimerais leur dire de ne pas être obnubilés par le matérialisme. Il y a d’autres choses que le travail, que l’aspect matériel dans la vie. Il faudrait parfois avoir une contemplation gratuite du monde.
C'est tout simple ! 3 mots pour décrire votre marque ?
Bon, accessible, artisanal
C'est quoi votre produit chouchou ?
La bière à l’avoine, la « Oatmeal » !
Un petit tip pour utiliser vos produits ?
La bière avec les fruits de mer ! J’ai découvert ça sur un marché de Noël où il y avait un huîtrier qui prenait tous ses repas avec des huîtres et une super bière. Il prenait de la blonde mais, en Angleterre, on fait ça avec de la brune, c’est la “Oyster Stout”. Je vous conseille d’essayer plein de mariages différents.
Un petit truc à partager ?
Le RockOut Bar à Maison Lafitte. Un vrai bar avec un vrai choix de bières, un patron de bar passionné et qui donne une vraie touche personnelle à son bar !