Engagements

L’interview « Prenez-en de la graine ! » de Papeco

Par Sarah Le lundi 22 août 2022

frédéric de papeco

On se dit tout ! Qui êtes vous ? D’où venez vous ? Que faites vous ?

Moi c’est Frédéric, j’ai 50 ans et je suis directeur commercial de Papeco. Après un parcours classique en école de commerce, j’ai intégré de grands groupes, Danone puis LVMH. C’était passionnant au niveau des produits mais un peu moins humainement. A 30 ans, j’ai donc fait un tour du monde seul pendant un an. À mon retour, je me suis dit que les grands groupes n’étaient pas faits pour moi, j’avais besoin de sens. J’ai donc travaillé pour des PME, dont un fleuriste de luxe qui avait notamment couvert les besoins en fleurs pour la Coupe du Monde 98 ! Comme j’ai épousé la fille du patron, j’ai préféré partir et c’est là que Papeco est venu me chercher. Ils avaient une usine dans le Cotentin, c’était le dernier fabricant en France de recyclé, tous les autres avaient déposé le bilan. C’était une usine vraiment vieillotte qui existait depuis 1924, alors j’ai beaucoup hésité mais l’idée de devoir repartir d’une feuille blanche pour écrire l’histoire de cette entreprise m’a plu.

"Il n’y a que des gens très impliqués puisque tout le monde détient un petit bout de l’entreprise. D’ailleurs ⅓ des salariés participe à la prise de décision, c’est une organisation très horizontale."

Cette usine c’était déjà une belle histoire, elle avait failli disparaître dans les années 90 mais les salariés l'avaient rachetée en investissant leur prime de licenciement dedans. Depuis, le capital est détenu à 100% par les salariés, il n’y a pas d’actionnaire extérieur et il existe un pacte qui empêche de revendre à l’extérieur. Quand quelqu’un quitte Papeco, ses actions sont de nouveau redistribuées aux salariés. Cela crée une atmosphère assez particulière, il n’y a que des gens très impliqués puisque tout le monde détient un petit bout de l’entreprise. D’ailleurs ⅓ des salariés participe à la prise de décision, c’est une organisation très horizontale. 

Aujourd’hui, Papeco ce sont 65 employés. On est le plus petit papetier en France et le seul fabricant de recyclé français. Notre premier concurrent il fait 10 fois notre taille et il n’est pas français, le suivant 26 fois. Historiquement, on vendait aux réseaux professionnels, de l’agroalimentaire en passant par les garages, jusqu’aux milieux hospitaliers. Par exemple on vend des draps d’examens, des essuis-mains ou des gros rouleaux de papier toilette. Petit à petit, les réseaux bio sont venus nous voir pour produire pour eux. On s’est donc lancé sur de l’essuie-tout compact et du papier toilette pour ces réseaux. Aujourd’hui, sur le marché, ces produits en réseau bio sont hors de prix, ils sont vendus entre 2 et 3 fois plus chers qu’en grande distribution avec une qualité pas terrible. Nous on veut proposer des tarifs normaux et un produit de qualité. 

Avec le coronavirus on a surtout eu une explosion de notre demande de papier pour nos clients qui sont en milieu hospitalier. Pour la ruée sur le papier toilette à laquelle on a assisté, il faut se dire que le papier toilette c’est ce qui nous reste comme dignité. Être privé de tout ok mais si en plus on ne peut pas s’essuyer, alors là c’est la fin, même si en soit il n’y avait vraiment aucun risque de rupture sur ce produit.

usine papier toilette français

"Dès les années 90 on a investi dans un procédé mécanique alors que ce n’était pas la méthode dominante du tout. Nous, on ne blanchit pas avec des matières chlorées."

Où et comment sont fabriqués vos produits ?

Depuis longtemps la question environnementale est au coeur de l’entreprise. Ce que l’on fait, c’est quasiment unique en Europe. Le papier peut se recycler de deux façons, soit par désencrage chimique soit par désencrage mécanique. Dès les années 90 on a investi dans un procédé mécanique alors que ce n’était pas la méthode dominante du tout. Nous, on ne blanchit pas avec des matières chlorées. 

On va d’ailleurs très loin sur cette question environnementale. Nos produits sont certifiés origine France garantie, ce qui garantit qu’au moins 50% de la valeur du produit est fabriquée en France. Nous on est à 99% ! 75% de nos achats se font en France auprès de PME françaises et seulement 3% de ce qui entre chez Papeco vient de l’extérieur de l’Europe. On favorise les achats locaux (on essaie vraiment de trouver au plus près de l’usine), les circuits courts, l’éco-conception. Chaque fois qu’on prend une décision on réfléchit en terme d’impact environnemental. 

Pour la fabrication, nous récoltons les corbeilles d’associations mais aussi de bureaux situés près de chez nous en Normandie et en Bretagne (40 à 50% de notre matière première) qui sont normalement incinérés. Ce sont des écrits noirs et blancs qui contiennent 99% de fibres et 0,1% d’encre (pas les magazines qui ont de l’encre colorée et du vernis). Ensuite ils sont broyés, mélangés avec de l’eau, filtrés puis ils passent sur un tapis où une machine les sèchent. Enfin une bobine les met sur des rouleaux que l’on tranche et qui donnent les rouleaux de papiers toilettes. Tout ça sans utiliser de produit chimique ! Quand on récupère 1 tonne de papier on fait 900 kg de produit fini, le reste c’est de la matière sèche qui termine dans une benne agricole pour être mélangée afin de fabriquer du compost. Rien ne se perd ! 

Pourquoi avoir choisi le tout recyclé ?

Aujourd’hui, on a une responsabilité en tant qu’entreprise. Si plutôt que de jeter on peut tout refaire en utilisant moins d’énergie alors autant le faire. En recyclant on utilise 20 fois moins d’eau, on rejette moins de CO2, on économise de l'énergie, de la matière tout en obtenant une qualité équivalente au non recyclé

Pourquoi devrait-on tous se mettre au tout recyclé ?

Parce que la planète n’a pas de ressources illimitées et on en voit déjà les effets. Réutiliser les matières déjà utilisées c’est du bon sens. Ça vaut pour le papier mais aussi pour le reste. 

"Une entreprise n’est pas juste là pour produire, elle doit aussi penser à ce qu’elle laisse aux générations futures."

Vous faites quoi pour limiter votre impact carbone ?

Notre siège social est situé à Coutance, dans une zone classée Natura 2000, c’est un arrêté préfectoral 2 à 3 fois plus sévère que dans n’importe quelle zone industrielle. On est extrêmement surveillés et c’est très bien car une entreprise n’est pas juste là pour produire, elle doit aussi penser à ce qu’elle laisse aux générations futures. 

On limite le transport au maximum en nous approvisionnant localement. On réfléchit en terme d’éco-conception pour tous nos produits. Il faut savoir qu’en grande distribution avant on avait en moyenne 200 feuilles par rouleau, aujourd’hui on en a entre 110 et 140 car ils gonflent le papier toilette artificiellement pour le faire passer pour plus gros. Un consommateur passe en moyenne 14 secondes dans un rayon de papier toilette et nulle part on lui écrit le nombre de feuilles. Quand on passe de 200 à 110, on achète à un prix plus bas, mais on achète de l’air ! Nous, nos rouleaux c’est 400 feuilles, en prix à la feuille on est moins cher. En Europe, la moyenne est de 13 kg de papier toilette par habitant par an, en France c’est 6,2 kg, 40 mètres pour les femmes et 30 mètres pour les hommes. On se sert d’environ 8 à 10 feuilles à chaque utilisation. Quand on achète des rouleaux gonflés on a besoin de transport supplémentaire, il y a beaucoup de choses inutiles.

Le seul souci restant de notre côté c’est le papier plastique autour de nos produits mais on travaille dessus. Aujourd’hui, aucun outil industriel n’est capable d’emballer dans du papier. On utilise un plastique spécial qui est 5 fois plus fin qu’un papier plastique sur d’autres produits. Pour emballer 6 rouleaux on utilise 2 grammes de film là où on nos concurrents utilisent plus de 15gr. Sur ce film on ne fait aucune impression pour le rendre plus facile à recycler. Les marques qui proposent un emballage dans du papier ce n’est pas du papier pur ! Elles mettent de la colle, des résidus qui sont très chimiques et pas du tout recyclables, c’est totalement marketing !

usine papier toilette recyclé

Qu’est- ce qui vous rend fier ?

Je suis fier de l’histoire de Papeco, de l’engagement, on est une des seules usines de papier à laisser entrer les journalistes chez nous. On a été cité dans Cash investigation car ils voulaient montrer une PME positive qui fait les choses biens. Je suis très fier que tout ce que l’on annonce soit vérifiable. Je me dis qu’à ma façon je contribue à faire que cette planète aille mieux. En plus, on progresse de 5 à 10% par an ce qui montre qu’on peut faire les choses bien, générer de l’emploi, respecter l’environnement tout en continuant à se développer. 

C’est quoi votre combat ?

Mon combat c’est le greenwashing. C’est un vrai sujet car quand on va dans les rayons de papier toilette, il y en a beaucoup trop ! Ça perd le consommateur, ça décrédibilise le combat pour l’environnement, il y a des logos partout, on ne sait pas d’où ils sortent, on ne sait pas par qui ils sont délivrés. Je me bats contre les grosses entreprises qui s’enroulent dans des capes vertes et en réalité ne font rien. 

Aujourd’hui, le marché du papier toilette en France c’est 400 000 tonnes de papier. 40% des 400 000 tonnes sont fait à partir de recyclé. La grande distribution tient le gros du marché, ils vont récolter des magazines mais le problème c’est que sur ces derniers il y a plein d’encres et de vernis, ils doivent donc séparer les encres du papier ce qui donne des rendements moins élevés. Pour 1 tonne de magazine vous avez seulement 450 tonnes de papier. 

Les 60% restants viennent des arbres, parmi eux 80% sont des eucalyptus car ils ont l’avantage de pousser très vite. C’est un très gros scandale écologique, du même niveau que l’huile de palme. L’eucalyptus est un arbre qui vit normalement dans la mangrove et qui a besoin de beaucoup d’eau. En Asie et en Amérique Latine, on a planté massivement des monocultures d’eucalyptus qui, en plus d’être traités, ont besoin de 40 à 50 litres d’eau par jour. Ils assèchent les nappes phréatiques en quelques années et libèrent, en plus, des acides dans les sols où plus rien ne pousse. Au Brésil c’est un vrai scandale écologique. Pour le consommateur difficile de s’y retrouver avec les labels forêts gestion durable, on retrouve des logos qui n’ont plus de sens, ce n’est pas parce qu’une entreprise replante des arbres qu’elle est responsable ! Heureusement les consommateurs sont de plus en plus vigilants.

"60% du papier vient des arbres, parmi eux 80% sont des eucalyptus car ils ont l’avantage de pousser très vite. C’est un très gros scandale écologique, du même niveau que l’huile de palme."

À quoi rêvez-vous pour l’avenir ?

A plus de transparence, plus d’intégrité. 

Qu’est-ce que vous aimeriez transmettre aux générations futures ?

Une planète propre, et pouvoir leur dire que j’y ai contribué parce qu’autant il y quelques années on ne savait pas forcément mais maintenant on sait tous. J’aimerais que la génération future se dise “Papeco, c’est une entreprise qui avait déjà compris et qui protégeait déjà la planète a sa façon”.

C’est tout simple ! 3 mots pour décrire votre marque ?

Intégrité - eco-conception - humain (on est une entreprise qui attache beaucoup d’importance aux relations humaines)

C’est quoi votre produit chouchou ?

On est très fiers d’avoir collaboré avec Yves Rocher, une enseigne assez impliquée au niveau environnemental, pour des draps recyclés pour leurs tables de soin. Ça ne se faisait pas trop en institut car on veut du blanc pur. Souvent donc, on blanchissait artificiellement les draps. Yves Rocher se sont dits que si ce n’était pas blanc ce n’était pas grave et ce n’était pas une question de prix mais bien de protection de l’environnement. Ils ont donc intégré des draps recyclés sur tout leur réseau il y a 7 ou 8 ans. Pour une entreprise aussi grosse ce n’est pas une décision simple. Ce sont les seuls à avoir fait ça sur leur marché.

Un petit truc à partager ?

J’ai vu un reportage sur la Chine sur Arte qui s’appelle 7 milliards de suspects. Cela montre l’utilisation des technologies pour la mise en place d’un score social et c’est très bien fait. Je me dis que si on va vers ça alors on a tout raté, ce n’est pas un monde dans lequel j’ai envie que mes enfants grandissent. Il y a tellement de belles choses à faire ce serait dommage d’aller dans cette direction, c’est même effrayant.

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