L’interview « Prenez-en de la graine ! » d'Alliance Bio
Par Sophie Le vendredi 26 mai 2023
On se dit tout ! Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Que faites-vous ?
Je suis Jean-Christophe Chassaigne, et je suis paysan depuis que j’ai quarante ans. Avant cela, j'étais cadre dans une société de distribution. Certains parlent de crise de la quarantaine, de mon côté il s’agirait plutôt d’une profonde remise en question. J’ai voulu faire quelque chose qui avait du sens. Je me suis longtemps questionné et l’agriculture est apparue comme une évidence. J’ai grandi à la campagne, dans le Lot-et-Garonne et mes grands-parents étaient agriculteurs. Il s’agit d’un retour aux sources.
En 2010 je deviens donc agriculteur. En 2015, je me lance dans le stockage de mes récoltes et de celles des agriculteurs aux alentours, puis en 2017 je décide de créer Alliance Bio. Alliance Bio est née de la volonté d’aller plus loin que la moissonneuse batteuse. J’ai souhaité me lancer dans la transformation de mes récoltes, sans passer par d’autres intermédiaires. Passionné par mon métier j’ai voulu prendre les choses en main en transformant moi-même la matière première issues de mes terres en produits directement consommables par le consommateur.
"A partir de l’emballage d’un produit nous pouvons dire son origine, de quel champ précisément il est issu, quel jour il a été récolté et par quel producteur."
Où et comment sont fabriqués vos produits ?
Nous sommes présents, de A à Z, à chaque étape de la production. Chez Alliance Bio, les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs ne font qu’un : nous semons, cultivons, moissonnons, trions, transformons et ensachons nous-même nos produits sur nos terres du Sud-Ouest.
De nombreuses variétés sont concernées par nos activités : des blés, trois variétés de lentilles, des haricots secs (blancs, rouge, noirs, Borlotti…), pois cassés, pois chiche, tournesol, lins, graines de courge, sarrasin, petit épeautre, seigle…
Pour aller au bout de la valorisation de la graine, nous sommes également meuniers. Notre meunerie est située à Moncrabeau, dans le Lot-et-Garonne. Le procédé traditionnel de la meule de pierre a été choisi pour respecter au maximum le travail de nos cultures. Nos meules en granit déroulent le grain délicatement pour une farine aux grandes propriétés nutritives et gustatives. Nous produisons des farines de blé, de blé ancien, de sarrasin, de petit épeautre mais aussi des farines de légumineuses (maïs, pois chiche, lentille...).
Nous proposons une traçabilité qui va du champ jusqu’au produit final. A partir de l’emballage d’un produit nous pouvons dire son origine, de quel champ précisément il est issu, quel jour il a été récolté et par quel producteur.
"Notre pratique du non-labour nous permet de préserver cet écosystème, dont la plante bénéficie pour révéler ce qu’elle a de meilleur."
Pourquoi avoir choisi le bio ?
Dès les débuts, j’ai décidé d’opter pour l’agriculture biologique. Si aujourd’hui l’agriculture bio est tendance, en 2010 il s’agissait d’un choix à la fois idéologique mais aussi très singulier. La motivation première est de produire une alimentation saine en respect de notre environnement. Les pratiques agronomiques les plus vertueuses sont choisies, la bio en étant la suite naturelle. Bien sûr, les engrais verts et rotations de cultures ont la part belle dans nos champs, mais surtout, nous portons une grande attention au sol, à sa structure, à sa vie. Notre pratique du non-labour nous permet de préserver cet écosystème, dont la plante bénéficie pour révéler ce qu’elle a de meilleur.
Pourquoi devrait-on tous se mettre au bio ?
Pour tous les bienfaits de l’agriculture bio. Favoriser la biodiversité de nos campagnes, respecter le sol qui nous nourrit, préserver la qualité de l’eau de nos rivières, tout en produisant une alimentation saine qui permet la santé et pleine vitalité.
Vous faites quoi pour limiter votre impact carbone ?
La limitation de notre impact carbone la plus importante est due à la concentration de nos activités sur un territoire très local : 75 % des terres cultivées sont à moins de 60 km du site de stockage et de production. En plus d’une grande efficacité, cette proximité nous permet une limite conséquente de nos transports. L’aspect local est souvent évoqué en aval de la chaîne de consommation, mais dans la production il est tout aussi important.
Puis il y a nos pratiques agronomiques :
- Des engrais verts minéralisent et fertilisent les sols
- La pratique du non-labour nous permet de préserver le CO2 stocké par la plante qui revient et reste dans le sol
- Un troupeau de bovin boucle ce cercle vertueux en pâturant nos terres, fournissant l’engrais nécessaire à la fertilisation de nos sols
Qu’est-ce qui vous rend fier ?
Sans hésitation, c’est de réussir à produire une alimentation saine, accessible au plus grand nombre, dans le respect de la Terre sur laquelle nous vivons.
Être entrepreneur pour moi c’est aussi créer de l’emploi dans notre ruralité, ce qui est aussi une grande satisfaction du quotidien. Aujourd’hui, Alliance Bio compte 17 salariés contre 3 en 2018. Cette équipe - que ce soit dans les bureaux pour l’administratif, dans les champs pour le travail agricole ou à l’entrepôt pour ensacher - est composée de personnes impliquées et soudées autour des valeurs d’une agriculture engagée pour une alimentation saine.
C’est quoi votre combat ?
La première chose à laquelle nous nous employons, c’est de faire avec la Nature plutôt que de chercher à la maîtriser. Donc fini le combat, et vive la coopération ! Ça demande de remettre de la connaissance là où les dogmes ont pris le pouvoir. Ce même pouvoir qui a été délégué, et qu’il faut se réapproprier.
Notre premier fer de lance reste de créer un système vertueux qui va de la terre à l’assiette.
À quoi rêvez-vous pour l’avenir ?
A une consommation éclairée. C’est-à-dire un consommateur qui s’informe car l’accès en a été facilité, et qui a repris goût à la pleine connaissance. La conscience des externalités de nos consommations est un pas de gagné vers une alimentation, et de surcroît une économie et une agriculture qui vont dans le bon sens, la même que celle de nos grands-parents, c’est-à-dire retrouver le lien avec ce qui nous entoure, entre l’humain et la nature.
Qu’est-ce que vous aimeriez transmettre aux générations futures ?
La passion du travail de la terre. Elle pousse à se reconnecter au vivant, aux éléments, aux saisons, et savoir observer la magie de la vie.
C’est tout simple ! 3 mots pour décrire votre marque ?
Authentique, vraie, passionnée.
C’est quoi votre produit chouchou ?
Le petit épeautre car c’est la céréale la plus ancienne cultivée par l’Homme. Il a conservé son patrimoine génétique depuis son origine. Il est assez peu utilisé en cuisine et c’est bien dommage car il est très agréable en bouche et se prête aussi bien aux salades qu’aux préparations mijotées. Sa saveur fine se marie très bien avec un poisson, convient à merveille pour un risotto revisité.
Un petit tip pour utiliser vos produits ?
Faire tremper les graines pour gagner du temps de cuisson. La prégermination permet aussi de développer leurs propriétés nutritives.
Un petit truc à partager ?
Un livre dans ma jeunesse a changé mon regard sur l’alimentation : « Soyez bien dans votre assiette jusqu’à 80 ans et plus » de la Doctoresse Catherine Kousmine. Nous avons perdu cet instinct qui permettait autrefois de choisir l’alimentation la mieux adaptée à nos besoins. Cette cuisine non transformée, réalisée à partir d’aliments sains, permet de bien penser et prévenir des maladies dites « dégénératives » ; malheureusement de plus en plus d’actualité. Cette vision de l’alimentation a nourri mon désir d’être agriculteur et de produire aujourd’hui des aliments sains et vrais.