Marre d’être écolo : l’écologie, une charge morale supportée par les femmes
Par Sarah Le lundi 8 mars 2021
Face aux enjeux écologiques, de nombreux foyers ont repensé leur consommation quotidienne : courses bio, compost, Zéro Déchet, produits d’entretien DIY, etc. Des changements d’habitudes dont les femmes, en plus d’en être à l’origine, doivent aussi en assumer la gestion quotidienne. Une charge dite “morale” qui s’ajoute à la charge mentale des femmes.
C’est en partant du constat que 85% de leurs clients sont des femmes, que La Fourche, magasin bio en ligne a souhaité mener l’enquête. Plus de 1 000 adhérents femmes et hommes vivant en couple ont ainsi été interrogés sur la question de la charge morale. Cet échantillon* particulièrement sensible aux enjeux écologiques, apporte un éclairage unique sur les différences de perception et d’engagement entre les femmes et les hommes lorsqu’il s’agit d’opérer des changements d’habitude pour un mieux-être du foyer. Retour sur les résultats.
*L’enquête a été réalisée par Internet du 18 au 21 février 2020 auprès de 1150 personnes constituant un échantillon issu des abonnés de La Fourche, résidant en France et âgées de 15 ans et plus.
Pour une consommation plus responsable : les femmes restent moteur au sein du foyer !
L’étude montre que l’engagement écologique est tout aussi important pour les hommes que pour les femmes. En effet, pour 71% des répondants il s’agit d’un engagement partagé dans le couple.
Mais on note une vraie différence de perception et d’engagement réel : les femmes sont en effet systématiquement à l’initiative des changements d’habitudes au sein du foyer. 72% des femmes interrogées déclarent en être à l’origine, tandis qu’elles estiment que leur conjoint est à l’initiative dans seulement 3% des cas. Les hommes, quant à eux, sont 36% à penser être à l’origine des changements d’habitudes.
Ce que l’on note aussi c’est une dichotomie côté homme : ils ont en effet l’impression que la prise d’initiative est souvent conjointe. Pour 43% d’entre eux la décision s’est prise à deux, ils sont seulement 21% à reconnaître que c’est leur conjointe.
Cette perception s’accentue en fonction de plusieurs facteurs :
- En fonction de la catégorie socio-professionnelle : plus les hommes sont éduqués, plus ils ont l’impression que l’initiative est conjointe (45% pour les CSP+ contre 35% pour les CSP-), alors que les femmes ont toujours l’impression d’être à l’initiative quelque soit la CSP.
- À l’arrivée du premier enfant, plus de 46% des hommes ont l’impression de prendre plus d’initiatives alors qu’ils ne sont que 34% à penser prendre des initiatives lorsque le couple est sans enfant. A l’inverse, les femmes n’ont pas cette impression. Seulement 3,9% d’entre elles affirment que leur conjoint en prend, contre 3,4% dans un couple sans enfant.
- Enfin, plus les hommes sont jeunes, plus ils ont l’impression que la prise d’initiative est partagée alors que les femmes n’ont pas cette impression. 45,5% des hommes de moins de 35 ans déclarent être conjointement à l’initiative contre 40% des hommes de plus de 35 ans. Pour les femmes, cet écart est de 1%.
Enfin, changer les habitudes de son foyer paraît plus pénible pour les hommes que pour les femmes :
- Lorsque les hommes déclarent être à l’initiative de ces changements, pour 42% d’entre eux ils ont eu l’impression que cela a été difficile à mettre en place dans leur foyer
- Tandis que 69% des femmes déclarent quant à elles que cela a été facile
En témoignent ces quelques verbatims issus de l’enquête
“Ici on est sur la même longueur d’onde. Seulement il ne s’en occupe pas… La charge mentale est pour moi. Mais nos idées et nos convictions sont les mêmes.”
“Ce n’est malheureusement pas étonnant… même en ayant un mari impliqué, ce n’est jamais lui qui s’occupe des courses mais il me soutient toujours dans mes démarches écologiques de type lessive et produits maison, pailles en bambou etc…”
“Nous sommes tous les deux dans cette optique. Mais c’est moi qui me charge de la plupart des courses : ce qui explique que notre compte La Fourche soit au féminin !”
“J’ai pourtant un conjoint tout autant militant écolo que moi, mais ce n’est pas lui qui fait la lessive maison, les tawashi, les tablettes lave-vaisselle, le gel à main, les eaux florales, bientôt les produits pour bébé…”
“C’est très triste mais autant mon homme est plus révolté par tous les problèmes écologiques et humain autant dans ses actions rien”
Les tâches éco-responsables sont genrées
L’étude montre aussi que c’est sur les tâches domestiques comme faire ses produits d’entretien que l’on retrouve le plus gros écart de perception entre les femmes et les hommes. On constate que :
- 88% des femmes disent en avoir la charge contre seulement 36% des hommes.
- À l’inverse, sur le compost, qui serait une « activité plus manuelle et technique », elles sont seulement 28% à déclarer s’en charger contre 61% des hommes.
Engagement écologique dans la vie publique : les hommes s’engagent plus
L’étude nous a permis de constater que les hommes s’engagent davantage sur le sujet de l’écologie dans la vie publique. C’est d’autant plus vrai lorsque le couple est sans enfant :
- 48% des femmes en couple sans enfants ne s’engagent jamais contre 37% des hommes en couple sans enfants.
- Plus généralement, nous notons que 76% des femmes invoquent le manque de temps, qui peut s’expliquer par la gestion quotidienne des tâches domestiques (en plus de leur travail) contre seulement 67% des hommes.
Conclusions de l’enquête par La Fourche
Cette enquête confirme qu’en terme de consommation responsable il existe un décalage entre les genres au sein du foyer même si le couple est pareillement préoccupé par les enjeux écologiques.
Dans la sphère privée, les hommes restent dans une position passive, approuvant voire parfois soutenant la démarche de leur conjointe mais n’en étant que très rarement à l’initiative. Ils sont par ailleurs peu conscients de leur passivité puisque pour eux la prise d’initiative est mieux répartie.
Une tendance qui traverse tous les foyers, quel que soit l’âge et le milieu socio-professionnel.
Pour les femmes, cette passivité de leur conjoint implique pour elles une charge supplémentaire à assumer au sein du foyer, c’est ce qu’on appelle la charge morale. Par ailleurs, ces femmes sur-investissent la sphère privée et sous-investissent la sphère publique. Or, pour gagner le combat pour l’écologie, les deux sont importants : les actions individuelles mais également les actions à mener au niveau sociétal.