Décryptage des lois anti-gaspillage alimentaire
Par Amirah Le mercredi 25 août 2021
Chaque année en France, 10 millions de tonnes de denrées alimentaires partent à la poubelle selon l’ADEME. Un tel gâchis de nourriture exige de revoir notre mentalité et nos pratiques en termes de production et de consommation, aussi bien au niveau individuel que collectif. Ainsi, depuis 2013, les pouvoirs publics et les citoyens français se sont engagés dans une véritable lutte contre le gaspillage alimentaire. Quelle est la politique publique du gouvernement à ce sujet ? Quelles mesures ont été adoptées au niveau national ? Voici un tour d’horizon des principales lois anti-gaspillage alimentaire.
- État des lieux du gaspillage alimentaire en France
- Quelles lois existent contre le gaspillage alimentaire en France ?
- Que prévoit le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire ?
- 11 mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire
- Reconduction du pacte avec 6 groupes de travail
- Que prévoit la loi Garot contre le gaspillage alimentaire ?
- Que prévoit la loi EGalim contre le gaspillage alimentaire ?
- Que prévoit la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire ?
État des lieux du gaspillage alimentaire en France
Dans son étude publiée en 2016, l’ADEME (Agence de la transition écologique) s’est donnée pour mission d’évaluer les pertes et le gaspillage de produits alimentaires destinés à la consommation humaine.
En menant cette analyse inédite sur le gaspillage alimentaire en France, l’ADEME a révélé une responsabilité partagée, de la production à la consommation des foyers et hors foyer. Du champ à l’assiette, on retrouve ainsi les industriels, les grossistes, les distributeurs, la restauration collective et les consommateurs. Au final, les conséquences sont à la fois commerciales, économiques, environnementales et sociales.
Les 10 millions de tonnes de nourriture consommable gaspillée tous les ans par les Français représentent ainsi :
- un coût de 16 milliards d’euros ;
- un impact carbone de 15,3 millions de tonnes équivalent CO2.
Concrètement, chaque Français jette en moyenne 30 kg de déchets alimentaires par an, dont 7 kg d’aliments encore emballés ! Quand on sait que l’insécurité alimentaire touche 12% des adultes en France, cette donnée laisse à réfléchir sur l’enjeu éthique et social de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Quelles lois existent contre le gaspillage alimentaire en France ?
Dès 2013, plusieurs mesures ont été décidées par le pouvoir législatif afin de réduire le gaspillage alimentaire en France. Toutes ces lois ont pour objectif de faire évoluer notre système à toutes les étapes de la chaîne alimentaire : la production, la transformation, la distribution et la consommation.
La lutte contre le gaspillage alimentaire se traduit par quatre mesures phares :
- le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire en 2013 ;
- la loi anti-gaspillage alimentaire dite loi Garot en 2016 ;
- la loi EGalim contre le gaspillage alimentaire en 2018 ;
- la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire dite loi AGEC en 2020.
D’autres textes de loi sont venus renforcer ces engagements :
- la loi du 17 août 2015 concernant la transition énergétique pour la croissance verte qui impose à la restauration collective publique une démarche de réduction des pertes alimentaires ;
- les lois anti-gaspillage de 2019 relatives à la loi EGalim pour s’assurer de la qualité des dons des distributeurs aux associations d’aides alimentaires.
L’émergence de la crise sanitaire en 2020 et l’accroissement de la précarité alimentaire au sein des foyers français ne peuvent que renforcer cette volonté de réduire au maximum les pertes de denrées destinées à la consommation humaine.
Que prévoit le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire ?
Le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire a été établi en 2013 à l’initiative du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt. Signée par l’ensemble des représentants des acteurs de la chaîne alimentaire, cette loi vise à réduire de 50% le gaspillage alimentaire d’ici 2025.
11 mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire
La grande distribution, les agriculteurs, les collectivités territoriales, les marchés de gros, les industries agroalimentaires ainsi que la restauration collective et commerciale se sont engagés aux côtés de l’État à travers plusieurs mesures concrètes dans leur champ d’action.
En tant que ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot a ainsi présenté 11 mesures pour stopper le gaspillage alimentaire :
- Un logo anti-gaspi pour symboliser la mobilisation de chaque partie prenante.
- Une journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire le 16 octobre.
- La sensibilisation au gaspillage dans les écoles hôtelières et les lycées agricoles.
- Des clauses « anti-gaspi » dans les marchés publics de la restauration collective afin de mieux gérer l’approvisionnement des denrées alimentaires.
- Une simplification des procédures de dons alimentaires pour les professionnels du secteur de l’alimentation.
- Un plan relatif à la gestion des déchets alimentaires.
- La création et le suivi d’indicateurs de gaspillage alimentaire pour les entreprises et les partenaires.
- Le remplacement de la DLUO (Date Limite d’Utilisation Optimale) par une mention « À consommer de préférence avant… » pour un choix plus éclairé de la part des consommateurs.
- Une campagne de communication sur la lutte contre le gâchis alimentaire.
- Une nouvelle version du site web dédié au gaspillage alimentaire.
- L’expérimentation d’une plateforme numérique pour encourager le don alimentaire entre particuliers et associations.
Reconduction du pacte avec 6 groupes de travail
Le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire a été reconduit en 2017 avec de nouvelles orientations, une gouvernance renouvelée et de nouvelles instances de pilotage. La nouvelle feuille de route de ce pacte stipule 7 axes prioritaires et comprend désormais 19 mesures pratiques.
Actuellement, la Direction générale de l'alimentation réalise un bilan du pacte 2017-2020 afin d’évaluer les avancées et de définir un cadre d’intervention plus pertinent pour l’avenir.
Le dispositif d'observation et d’évaluation s’appuie ainsi sur les travaux de 6 groupes opérationnels :
- indicateurs et mesure du gaspillage ;
- dates de péremption ;
- gestion des invendus et don alimentaire
- efficacité, innovation et partenariats tout au long de la chaîne ;
- sensibilisation, éducation et formation ;
- partenariats européens et internationaux.
Que prévoit la loi Garot contre le gaspillage alimentaire ?
La loi anti-gaspillage alimentaire du 11 février 2016 dite « loi Garot » fait suite au rapport rendu par l’ancien ministre délégué à l’Agroalimentaire en 2015. Dans ce document, Guillaume Garot émet plusieurs préconisations pour limiter le gaspillage alimentaire en France.
Trois grandes orientations ont ainsi été définies pour la grande distribution :
- une hiérarchisation des actions pour lutter contre le gaspillage alimentaire (avec une priorité accordée à la prévention et à la sensibilisation des consommateurs) ;
- l’obligation de céder les invendus alimentaires à des associations pour tous les distributeurs de plus de 400 m² ;
- l’interdiction de détruire ou de rendre impropres à la consommation des aliments encore consommables (en les aspergeant de produits chimiques par exemple).
Pour éviter toutes ces pratiques, la loi Garot incite les distributeurs à se faire accompagner dans une démarche anti-gaspi et à valoriser les invendus alimentaires. Deux solutions s’offrent notamment à eux : valoriser les produits périssables pour nourrir les animaux ou produire de l’énergie via un procédé de méthanisation.
Que prévoit la loi EGalim contre le gaspillage alimentaire ?
La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a été promulguée en novembre 2018. Elle fait suite aux États généraux de l’alimentation de 2017 sur le dynamisme de l’agriculture, de la pêche et de l’agroalimentaire français.
Dans ce cadre, une ordonnance du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume datée de 2019 dite « loi EGAlim » fixe plusieurs obligations légales pour soutenir la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il s’agit d'une extension de la loi Garot aux secteurs de la restauration collective (publique et privée) et de l’industrie agroalimentaire.
Cette loi anti-gaspillage alimentaire de 2019 impose :
- Une amende de 3 750 € pour les acteurs de la restauration collective et de l’industrie agroalimentaire qui rendent impropres à la consommation leurs excédents alimentaires encore consommables (avec une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion par voie de presse).
- Le devoir de proposer une convention de dons alimentaires aux associations habilitées pour les opérateurs préparant plus de 3 000 repas par jour et ceux de l’industrie agroalimentaire qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros par an.
- L’obligation de communiquer publiquement ses engagements en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire dès le 1er janvier 2020.
Que prévoit la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire ?
Au-delà des mesures sur le plastique jetable et le réemploi solidaire, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020 (dite « loi AGEC ») renforce encore les mesures en faveur de la réduction du gaspillage alimentaire. En effet, l’économie circulaire vise à dépasser les habitudes de consommation néfastes pour l’environnement via une meilleure gestion des ressources et des déchets, qu’ils soient alimentaires ou non.
Cette nouvelle loi anti-gaspillage consacre plusieurs obligations et interdictions qui font sens :
- une consigne mixte pour le réemploi et le recyclage des bouteilles en plastique ;
- une révision à la hausse des objectifs de lutte contre le gaspillage alimentaire pour les cantines et les supermarchés (réduction de 50 % par rapport au niveau de 2015 d’ici 2025) ;
- l’obligation pour les grossistes de donner les produits alimentaires invendus à des associations ;
- un système de bonus-malus pour encourager les produits éco-conçus ;
- la possibilité d’apporter ses propres contenants dans les commerces afin de favoriser l’achat en vrac et donc limiter le gaspillage de denrées périssables ;
- une amende pouvant aller jusqu'à 0,1% du chiffre d’affaires en cas de manquement à l’interdiction du gaspillage alimentaire (destruction ou détérioration des invendus alimentaires).
Grâce à ces décisions politiques, chaque citoyen français est appelé à s’engager au quotidien dans une démarche de réduction du gaspillage. Toutes ces mesures visent à modifier en profondeur nos modes de production et de consommation, de manière à progresser vers un modèle économique plus responsable et durable.